La Chair de l’homme 52ème scène / L’enfant d’Outrebref et l’enfant Traversant

La 52ème scène de La Chair de l’homme de Valère Novarina et le dernier chapitre de son roman que lui-même a adapté à la scène en plusieurs pièces de théâtre.

C’est une scène dans laquelle un enfant demande à un autre enfant au bord de combien de cours d’eaux celui-ci s’est assis pour laisser couler ses larmes. L’enfant répond par une liste de 1714 cours d’eaux, tous existants, au bord desquels il dit s’être assis et avoir versé ses larmes.

Je me suis donc embarquée dans une performance mémorielle de plusieurs mois, au bord des limites de mon propre corps confronté à ce gigantesque texte de Novarina.

Cette parole de Novarina est ma réponse au monde d’aujourd’hui, car à travers tous ces noms de cours d’eaux, petits et grands, c’est toute notre humanité qui se dessine, et, non pas à travers plusieurs paroles, mais plutôt à travers une poésie qui s’éclaire peu à peu par le corps.

Pour moi, c’est une poésie nécessaire, cathartique, qui emmène dans son flot toutes les larmes du monde, et transfigure la douleur par la puissance de l’engagement des corps, la musique du texte, l’humour qu’il contient.

Ce texte de Novarina est aussi très actuel car la géographie de tous les cours d’eaux impose un territoire aux frontières naturelles qui efface tout territoire politique : les seules frontières qui restent et resteront in-fine sont propres à celles de la nature. C’est peut-être une invitation à porter un autre regard sur la notion de territoire dans nos sociétés.

Cette création a plusieurs dimensions et c’est pour cela que nous l’avons imaginé, non pas comme une pièce de théâtre, mais plutôt dans le sens d’une performance avec un rapport au public très proche, et qui s’apparente plus, à certains moments, à un concert de musique contemporaine tant le corps œuvre à se détacher du sens premier des choses pour nous ouvrir sur un autre chant.